painting of ophelia by friedrich wilhelm theodor heyser
painting of ophelia by friedrich wilhelm theodor heyser

Je suis née avec un cœur cassé

Depuis quelque temps, je me sens comme bloquée au pied d’un immense mur sur lequel sont accrochés tous mes échecs, mes doutes et mes peurs. Chaque jour, je vois ce mur grandir, l’alimentant de mes insécurités, tandis que je me recroqueville toujours un peu plus sur moi-même pour ne pas avoir à faire face à la réalité de ma vie, à l’aube de mes 25 ans.

Blog
Publié le
31/1/25
Mis à jour le
5
minutes de lecture

Je ne vis que pour les autres. 

Si on m’avait demandé de dessiner un portrait précis de mes attentes de la vie à cet âge, j’aurais sûrement imaginé une existence bien rangée : un diplôme en poche, des proches fiers de mes accomplissements, un bel appart, et des projets plein la tête.
Sauf que voilà, force est de constater que mon quotidien est loin d’être aussi radieux et romantique que cette douce peinture d’une jeunesse idéalisée dont j’ai pourtant tant rêvé.

Il y a encore un an, j’étais persuadée que j’étais sur la bonne voie. Je pensais que j’allais enfin pouvoir me regarder en face, la tête haute, et pouvoir me dire sans une once de mensonge que j’étais fière de moi. Mais plus que ça, que mes proches pouvaient enfin l’être aussi. Et c’est sûrement ça le hic : je ne vis pas pour accomplir des choses qui me passionnent. Non, je vis pour la validation des autres. Je rêve qu’on m’applaudisse, qu’on me félicite et qu’on acclame mes actions comme si j’étais un être exceptionnel, doté d’un talent que l’on envierait. En réalité, je suis juste une jeune paumée, persuadée d’avoir raté le coche, trop occupée à regarder les autres être tout ce que je ne serai sûrement jamais. Je suis cette coquille vide, plus occupée à jalouser ceux capables de faire quelque chose de leur vie, attendant qu'un miracle m'offre la vie dont j'ai toujours rêvé. Cette jalousie, ce sentiment d’envie, grandit de plus en plus, et je dois l’avouer, me laisse avec de nombreuses insécurités.

Tout le monde s’en fiche de ma vie, et c’est plutôt une bonne nouvelle.

Un des problèmes dont je n’arrive pas à me détacher, c’est cette obsession de la performance. Comme si chacun de mes actes allait être commenté, analysé, moqué par les personnes qui m’entourent. J’ai cette impression constante d’être jugée et détestée par mes proches, et qu’ils sont près de moi uniquement pour observer mes échecs.
Nul besoin de me le dire, je le sais, c’est plutôt puéril comme façon de penser. Il y a cette incohérence dans mon esprit : je suis à la fois persuadée d’être cette ratée sans importance, et en même temps, je pense que tout le monde scrute toutes mes actions. Je suis comme une version ratée de Jim Carrey dans The Truman Show. C’est comme si ma vie était une sorte de spectacle, et moi, je ne fais que jouer un rôle que je n’ai pas choisi, un rôle où mes échecs sont les moments les plus attendus, les plus observés. Je me persuade que tout le monde me regarde, mais en réalité, peut-être qu’ils ne me voient même pas, ou qu'ils ne voient que la façade que je montre, une image de réussite qui n'existe pas vraiment.

Je suis éprise de ma propre tristesse.

Je crois qu’au fond, je me suis toujours persuadée que j’étais née pour être triste. J’entretiens cette tristesse, je la nourris et la berce d’illusions. Me persuadant chaque jour un peu plus que ma famille n’a jamais voulu de moi, que mon copain n’attend qu’une chose : se débarrasser de moi, ou encore que mes amies ont horreur de ma personne. J’observe parfois les gens autour de moi, et je les envie. Oui, toujours cette jalousie qui revient. C’est comme une peur et une fascination des autres en même temps. Je suis entourée de gens, mais je me persuade de ne pas être à ma place, de ne pas être la bienvenue dans un lieu, jusqu’à créer un malaise et m’enfermer dans un mutisme. Certains soirs, je veux faire des efforts, alors je crois que la meilleure solution est de boire, de laisser l’alcool prendre le dessus, le temps d’une soirée, pour essayer de m’amuser. Puis je vois ces gens qui n’ont pas besoin d’essayer, qui entrent dans une pièce et qu’on remarque en un instant. Ils ont cette aura, c’est comme un rayon de soleil. Je les observe, engloutie par ma grisaille, mon nuage de tristesse, et je les envie. Et pourtant, je le sais, j’ai juste à chasser ce nuage. Ce n’est pas comme s’il m’était utile. Il n’a rien d’un ami, il n’est qu’un poids qui me noie chaque jour un peu plus dans mes peurs et ma tristesse. J’aurais juste à laisser un petit rayon de soleil le traverser, accepter l’arc-en-ciel d’émotions qui en découlerait, et puis, avec le temps, peut-être que moi aussi, j’arriverais à m’ensoleiller. Mais non, je reste là, et je me noie. Parfois, j’ai l’impression de laisser tellement de place à ma tristesse que mon cœur déborde. Je n’arrive plus à parler, à penser. Je laisse juste des torrents d’émotions s’échapper à travers mes larmes, sans jamais tenter de les apaiser.

Mais si je laisse cette tristesse, ce nuage, alors je peux justifier mes échecs. Je peux justifier que, à presque 25 ans, je n’ai toujours aucune foutue idée de ce que je fais. Je peux justifier que je rejette les gens autour de moi. Après tout, ce n’est pas de ma faute, ils ne comprennent juste pas mes émois. Je suis addict à ma propre tristesse, car elle me permet de me cacher derrière elle, de justifier mes mauvaises actions, les blessures que j’inflige aux autres. Elle est un masque derrière lequel je cache ma méchanceté. Mais pour dire vrai, je pense que la seule victime de ce jeu, c’est moi.

Le problème, c’est moi.

Alors, que dire de tout ça, à part que je me nourris d’une illusion de tristesse et de jugements ? Je projette mes peurs et mon rejet de moi-même sur les autres, parce que c’est plus facile que de regarder en face la réalité de l’image que j’ai de moi. Je me persuade que j’ai de l’importance, comme pour donner un poids à mes actions, comme si chaque geste, chaque mouvement pouvait provoquer une réaction en chaîne, une trace dans ce monde. Parce que plus que l’échec, ce qui me terrifie le plus, c’est de ne laisser aucune empreinte derrière moi. De devenir cette personne qui n’aura jamais rien accompli, simplement par peur de se lancer. Qui ne sera jamais que celle qui se tient là, face à tout ce qu’elle n’a pas osé, plutôt que de se tourner vers ce qu’elle pourrait réaliser. 

Je suis comme le personnage principal d’une série sans succès, où le seul spectateur, c’est moi-même, prête à mettre fin au show avant même de l’avoir commencé. 

Je conclus cette triste tirade sur un extrait de Fleabag, ma série préférée, et une des scène qui m'a le plus touchée. 

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